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Jésus-Christ un Dieu dans toute sa puissance, selon les docètes.

II. Les semences de la foi qui n’avaient germé que lentement au milieu du sol dur et ingrat de la Judée, furent transplantées en pleine maturité dans les climats plus heureux des gentils ; et les étrangers de Rome et de l’Asie qui n’avaient pas vu les formes humaines de Jésus-Christ, ne furent que plus disposés à n’y voir qu’un Dieu. Le polithéiste et le philosophe, le Grec et le Barbare, étaient également accoutumés à admettre une longue éternité, une chaîne infinie d’anges ou de démons, de divinités ou d’æons ou d’émanations qui sortaient du trône de lumière ; et ils ne voyaient rien d’étrange ou d’incroyable à ce que le premier de ces æons, le logos ou le verbe de Dieu, de la même substance que son père, descendît sur la terre pour délivrer le genre humain du vice et de l’erreur, et le guider dans le chemin de la vie et de l’immortalité ; mais le dogme de l’éternité, et les idées de corruption inhérentes à la matière, infectèrent les premières Églises de l’Orient. Un grand nombre des prosélytes païens refusaient de croire qu’un esprit céleste, une portion indivise de la première essence, se fût trouvée personnellement unie à une masse de chair impure et souillée ; et, pleins de zèle pour la divinité de Jésus-Christ, leur dévotion les porta à ne plus reconnaître son humanité. Son sang fumait encore sur le mont Calvaire[1], lorsque les docètes, secte d’Asie

  1. Apostolis adhuc in seculo superstitibus, apud Judæam Christi sanguine recente, phantasma domini corpus assere-