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HISTOIRE DE LA DÉCADENCE

de l’univers dépendit de cet Octave, surnommé César en vertu de l’adoption de son oncle, et décoré ensuite du titre d’Auguste par la flatterie du sénat. Le vainqueur était à la tête de quarante-quatre légions[1], toutes composées de vétérans[2], pleines du sentiment de leurs forces, méprisant la faiblesse de la constitution, accoutumées, pendant vingt ans de guerre, à répandre des flots de sang et à commettre toutes sortes de violences ; enfin, passionnément dévouées à la maison de César, dont elles avaient déjà reçu et dont elles attendaient encore des récompenses excessives. Les provinces, long-temps opprimées par les ministres de la république, soupiraient après le gouvernement d’un seul homme, qui fût le maître et non le complice de cette foule de petits tyrans. Le peuple de Rome, triomphant en secret de la chute de l’aristocratie, ne demandait que du pain et des spectacles ; et il était séduit par la libéralité d’Auguste, qui s’empressait de satisfaire à ses désirs. Les plus riches habitans de l’Italie avaient presque tous embrassé la philosophie d’Épicure ; ils jouissaient des douceurs de la paix et d’une heureuse tranquillité, sans se livrer aux idées de cette ancienne liberté si tumultueuse, dont le souvenir aurait pu troubler le songe agréable d’une vie entiè-

  1. Orose, VI, 18.
  2. Dion dit vingt-cinq (l. LV, c. 20) : les triumvirs réunis, selon Appien, n’en avaient que quarante-trois. Le témoignage d’Orose est de peu de valeur quand il en existe de plus sûrs. (Note de l’Éditeur.)