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DE L’EMPIRE ROMAIN. CHAP. III.

la république : alors, pour conserver la liberté, il exerçait un despotisme momentané[1].

Les tribuns s’offraient à tous égards sous un aspect différent de celui que présentait la dignité de consul : leur apparence extérieure était humble et modeste, mais leur personne était sacrée ; ils avaient moins de force pour agir que pour repousser. Chargés par leur institution de défendre les opprimés, de pardonner les offenses et d’accuser les ennemis du peuple, ils pouvaient, lorsqu’ils le jugeaient à propos, arrêter d’un seul mot toute la machine du gouvernement. Tant que la république subsista, l’on n’eut rien à redouter du crédit que des citoyens auraient pu retirer de ces places importantes. Elles étaient entourées de plusieurs barrières : l’autorité qu’elles donnaient expirait au bout d’un an ; on élisait deux consuls, les tribuns étaient au nombre de dix ; et comme les vues publiques et particulières de ces différens magistrats se trouvaient diamétralement opposées, cette diversité d’intérêts, loin de détruire la constitution, contribuait à en maintenir la balance toujours égale[2] ;

  1. Auguste exerça neuf fois de suite le consulat annuel ; ensuite il refusa artificieusement cette dignité aussi-bien que la dictature ; et, s’éloignant de Rome, il attendit que les suites funestes du tumulte et de l’esprit de faction eussent forcé le sénat à le revêtir du consulat pour toute sa vie. Ce prince et ses successeurs affectèrent cependant de cacher un titre qui pouvait leur attirer la haine de leurs sujets.
  2. Cette égalité fut le plus souvent illusoire ; l’institution des tribuns fut loin d’avoir tous les effets qu’on devait en