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DE L’EMPIRE ROMAIN. CHAP. IV.

l’état. L’épouse de l’empereur n’eut jamais le titre d’Augusta, et Pertinax craignit de corrompre la jeunesse de son fils en l’élevant à la dignité de César : sachant distinguer les devoirs d’un père de ceux d’un souverain, il lui donna une éducation simple à la fois et sévère, qui, ne lui donnant pas l’espérance certaine d’arriver au trône, pouvait le rendre un jour plus digne d’y monter. En public, la conduite de Pertinax était grave et en même temps affable. Tandis qu’il n’était encore que simple particulier, il avait étudié le véritable caractère des sénateurs : les plus vertueux approchèrent seuls de sa personne lorsqu’il fut sur le trône : il vivait avec eux sans orgueil et sans jalousie ; il les considérait comme des amis et des compagnons dont il avait partagé les dangers pendant la vie du tyran, et avec lesquels il désirait jouir des douceurs d’un temps plus fortuné. Souvent il les invitait à venir goûter dans l’intérieur de son palais, des plaisirs sans faste, dont la simplicité paraissait ridicule à ceux qui se rappelaient le luxe effréné de Commode[1].

Il entreprend la réforme de l’état.

Guérir, autant que cela était possible, les blessures faites à l’état par la main de la tyrannie, devint la tâche douce, mais triste, que s’imposa Pertinax. Les victimes innocentes qui respiraient encore, furent rappelées de leur exil, tirées de leur prison, et re-

  1. Dion (l. LXXIII, p. 1223) parle de ces divertissemens comme un sénateur qui avait soupé avec le prince, et Capitolin (Hist. Aug., p. 58), comme un esclave qui avait reçu des informations d’un valet de chambre.