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DE L’EMPIRE ROMAIN. CHAP. IV.

gesses considérables. Cependant, malgré son embarras, Pertinax eut le généreux courage de remettre au peuple les impôts onéreux créés par son prédécesseur, et de révoquer toutes les demandes injustes des trésoriers de l’empire. Il déclara dans un décret du sénat, « qu’il aimait mieux gouverner avec équité une république pauvre, que d’acquérir des richesses par des voies tyranniques et déshonorantes. » Persuadé que les véritables et les plus pures sources de l’opulence sont l’économie et l’industrie, il se trouva bientôt en état, par ces sages moyens, de satisfaire abondamment aux besoins publics. La dépense du palais fut d’abord réduite de moitié : l’empereur méprisait tous les objets de luxe ; il fit vendre publiquement[1] la vaisselle d’or et d’argent, des chars d’une construction singulière, des habits brodés, des étoffes de soie, et un très-grand nombre de beaux esclaves de l’un et de l’autre sexe ; il en excepta seulement, avec une humanité attentive, ceux qui, nés libres, avaient été arrachés d’entre les bras de leurs parens éplorés.

En même temps qu’il obligeait les indignes favoris du tyran à restituer une partie de leurs biens acquis par des voies illégitimes, il satisfaisait les véritables créanciers de l’état, et payait les arrérages accumu-

  1. Outre le dessein de convertir en argent ces ornemens inutiles, Pertinax (selon Dion, l. LXXIII, p. 1229) fut encore guidé par deux motifs secrets : il voulait exposer en public les vices de Commode, et découvrir, par les acquéreurs, ceux qui ressemblaient le plus à ce prince.