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DE L’EMPIRE ROMAIN. CHAP. V.

répondre, lorsque les indociles prétoriens, semblables au général gaulois, eurent rompu tout équilibre en jetant leurs épées dans la balance[1].

Ils mettent l’empire à l’enchère.

Ils avaient violé la sainteté du trône par le meurtre atroce de Pertinax ; ils en avilirent ensuite la majesté par l’indignité de leur conduite. Le camp n’avait point de chef ; ce Lætus, qui avait excité la tempête, s’était dérobé prudemment à l’indignation publique. Dans cette confusion, Sulpicianus, gouverneur de la ville, que l’empereur, son beau-père, avait envoyé au camp à la première nouvelle de la sédition, s’efforçait de calmer la fureur de la multitude, lorsqu’il fut tout à coup interrompu par les clameurs des assassins, qui portaient au bout d’une lance la tête de l’infortuné Pertinax. Quoique l’histoire nous ait accoutumés à voir l’ambition étouffer tout principe et subjuguer les autres passions, l’on a peine à concevoir que dans ces momens d’horreur, Sulpicianus ait désiré de monter sur un trône fumant encore du sang d’un prince si recommandable, et qui lui tenait de si près. Il avait déjà fait valoir le seul argument propre à émouvoir les gardes, et il commençait à traiter de la dignité impériale ; mais les plus prudens d’entre les prétoriens craignant de ne pas obtenir, dans un contrat particulier, un prix convenable pour un effet de si grande valeur, coururent sur les remparts, et annoncèrent à haute voix,

  1. Dans le siége de Rome par les Gaulois. Voyez Tite-Live, v. 48. Plutarque, Vie de Camille, p. 143.