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DE L’EMPIRE ROMAIN. CHAP. VI.

supposition que Fingal vivait et qu’Ossian chantait alors, le contraste frappant des mœurs et de la situation pourrait intéresser un esprit philosophique. Si l’on compare la vengeance implacable de Sévère avec la noblesse, la générosité de Fingal, le caractère lâche et féroce de Caracalla avec la bravoure, le génie brillant, la douce sensibilité d’Ossian ; si l’on oppose à des chefs mercenaires que la crainte ou l’intérêt force à suivre les étendards de l’empire, des guerriers indépendans, qui volent aux armes à la voix du roi de Morven ; en un mot, si l’on contemple d’un côté la liberté, les vertus éclatantes, simples et naturelles des Calédoniens ; de l’autre l’esclavage, la corruption et les crimes flétrissans des Romains dégénérés, le parallèle ne sera pas à l’avantage de la nation la plus civilisée.

Ambition de Caracalla.

La santé languissante et la dernière maladie de l’empereur enflammèrent l’ambition sauvage de Caracalla. Dévoré du désir de régner, déjà le fils de Sévère souffrait impatiemment que l’empire se trouvât partagé ; il médita le noir projet d’abréger les jours d’un père expirant, et même il essaya d’exciter une rebellion parmi les troupes[1]. Ses intrigues furent inutiles. Le vieil empereur avait souvent blâmé l’indulgence aveugle de Marc-Aurèle, qui pouvait, par un seul acte de justice, sauver les Romains de la tyrannie de son indigne fils. Placé dans

  1. Dion, l. LXXVI, p. 1282 ; Hist. Aug., p. 71 ; Aurel.-Victor.