Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 1.djvu/327

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solu de vivre et de mourir avec ses fidèles prétoriens. Géta avait été le favori des troupes ; mais leur regret devenait inutile, et la vengeance dangereuse : d’ailleurs, elles respectaient toujours le fils de Sévère. Le mécontentement se dissipa en vains murmures ; et Caracalla sut bientôt les convaincre de la justice de sa cause, en leur distribuant les immenses trésors de son père[1]. Les dispositions des soldats importaient seules à la puissance et à la sûreté du prince. Leur déclaration en sa faveur entraînait l’obéissance et la fidélité du sénat : cette assemblée docile était toujours prête à ratifier la décision de la fortune. Mais comme Caracalla voulait apaiser les premiers mouvemens de l’indignation publique, il respecta la mémoire de son frère, et lui fit rendre les mêmes honneurs que l’on décernait aux empereurs romains[2]. La postérité, en déplorant le sort de Géta, a fermé les yeux sur ses vices. Nous ne voyons dans ce jeune prince qu’une victime innocente, sacrifiée à l’ambition de son frère, sans faire attention qu’il manquait plutôt de pouvoir que de volonté, pour se porter aux mêmes excès[3].

  1. Hérod., l. IV, page 148 ; Dion-Cassius, l. LXXVII, p. 1289.
  2. Géta fut placé parmi les dieux. Sit divus, dit son frère, dùm non sit vivus. (Hist. Aug., p. 91.) On trouve encore sur les médailles quelques marques de la consécration de Géta.
  3. Ce n’est pas seulement sur un sentiment de pitié que se fonde le jugement favorable que l’histoire a porté de