Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 1.djvu/333

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

après la mort de Géta, il quitta Rome, et jamais il n’y retourna dans la suite. Il passa le reste de son règne dans les différentes provinces de l’empire, principalement en Orient. Chaque contrée devint tour à tour le théâtre de ses rapines et de ses cruautés. Les sénateurs, que la crainte engageait à suivre sa marche capricieuse, étaient obligés de dépenser des sommes immenses pour lui procurer tous les jours de nouveaux divertissemens, qu’il abandonnait avec mépris à ses gardes. Ils élevaient dans chaque ville des théâtres et des palais magnifiques, que l’empereur ne daignait pas visiter, ou qu’il faisait aussitôt démolir. Les sujets les plus opulens furent ruinés par des confiscations et par des amendes, tandis que le corps entier de la nation gémissait sous le poids des impôts[1]. Au milieu de la paix, l’empereur, pour une offense très-légère, condamna généralement à la mort tous les habitans de la ville d’Alexandrie en Égypte. Posté dans un lieu sûr du temple de Sérapis, il ordonnait et contemplait avec un plaisir barbare le massacre de plusieurs milliers d’hommes, citoyens et étrangers, sans avoir aucun égard au nombre de ces infortunés, ni à la nature de leur faute : car, ainsi qu’il l’écrivit froidement au sénat, de tous les habitans de cette grande ville, ceux qui avaient péri et ceux qui s’étaient échappés méritaient également la mort[2].

  1. Dion, l. LXXVII, p. 1294.
  2. Dion, l. LXXVII, p. 1307 ; Hérodien, l. IV, p. 158. Le