Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 1.djvu/374

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rite d’être rapporté ; il peut nous donner une idée des dispositions de l’armée. Durant le séjour que fit Alexandre à Antioche, pendant son expédition contre les Perses, dont nous parlerons bientôt, la punition de quelques soldats surpris dans les bains des femmes excita une révolte dans la légion à laquelle ils appartenaient. À cette nouvelle, l’empereur monte sur son tribunal, et, avec une contenance ferme à la fois et modeste, il représente à cette multitude armée sa résolution inflexible et la nécessité absolue de corriger les vices introduits par son infâme prédécesseur, et de maintenir la discipline, dont le relâchement entraînerait la ruine de l’empire. Des clameurs interrompent ces douces représentations : « Retenez vos cris, dit aussitôt l’intrépide monarque ; vous n’êtes pas en présence du Perse, du Germain et du Sarmate. Gardez le silence devant votre souverain, devant votre bienfaiteur, devant celui qui vous distribue le blé, l’argent et les productions des provinces. Gardez le silence, sinon je ne vous donnerai plus le nom de soldats ; je ne vous appellerai désormais que bourgeois[1], si même ceux qui foulent aux pieds les lois de Rome méritent d’être rangés dans la dernière classe du peuple. »

Ces menaces enflammèrent la fureur de la légion ;

  1. Jules César avait apaisé une sédition par le même mot quirites, qui, opposé à celui de soldats, était un terme de mépris, et réduisait les coupables à la condition moins honorable de simples citoyens. (Tacite, Annal., I, 43.)