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pèlerin de la Mecque[1] ne rencontre, pour se rafraîchir, que des eaux rebutantes par le goût qu’elles ont contracté sur un lit de soufre ou de sel. Tel est l’aspect général du climat de l’Arabie, et cette stérilité universelle y donne un prix infini à quelques apparences locales de végétation ; un bois ombrageux, le moindre pâturage, un courant d’eau douce, attirent une colonie d’Arabes qui s’établissent sur le terrain fortuné capable de leur procurer de la nourriture et de l’ombre pour eux-mêmes et pour leurs troupeaux, et qui les encourage à cultiver le palmier et la vigne. Les terres hautes qui bordent l’océan de l’Inde se distinguent par le bois et l’eau qu’on y trouve en plus grande abondance ; l’air y est plus tempéré, les fruits y sont plus savoureux, les animaux et les hommes y sont en plus grand nombre ; la fertilité du sol y encourage et y récompense les travaux du cultivateur ; et l’encens[2], le café propres à ces régions y ont de tout temps attiré les mar-

  1. Parmi les trente journées ou stations qu’il y a entre le Caire et la Mecque, on en compte quinze dénuées d’eau douce. Voy. la route des Hadjees, dans les Voyages de Shaw, p. 477.
  2. Pline traite, au douzième livre de son Histoire naturelle (l. XII, c. 42), des aromates, et surtout du thus ou de l’encens de l’Arabie : Milton rappelle dans une comparaison les odeurs aromatiques que le vent du nord-est apporte de la côte de Saba :

      — Many a league,
    Pleas’d with the grateful scent, old Ocean smiles.

        Paradise Lost, liv. IV.