Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 10.djvu/151

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de leurs services : le masque du patriotisme sert à couvrir les inconséquences les plus sensibles ; et les ennemis d’Othman, peut-être ses assassins, demandèrent à cette époque qu’on vengeât sa mort. Ils furent accompagnés, dans leur fuite, d’Ayesha, veuve de Mahomet, qui garda jusqu’au dernier moment de sa vie une haine implacable pour le mari et la postérité de Fatime. Les plus raisonnables des musulmans furent scandalisés de voir la mère des fidèles exposer dans un camp sa personne et sa dignité ; mais la multitude superstitieuse crut que sa présence consacrait la justice et assurait le succès de la cause qu’elle avait embrassée. Le calife, à la tête de vingt mille de ses fidèles Arabes et de neuf mille vaillans auxiliaires de Gufa, livra bataille, sous les murs de Bassora, aux rebelles supérieurs en nombre, et remporta la victoire. Telha et Zobeir, chefs de l’armée ennemie, furent tués dans ce combat, qui est le premier où les armes des musulmans se soient teintes du sang de leurs concitoyens. Ayesha, après avoir parcouru les rangs pour exciter les troupes, s’était placée au milieu du danger. Soixante-dix hommes, qui tenaient la bride de son chameau, furent tués ou blessés, et la cage ou litière où elle était renfermée, se trouva à la fin de l’action hérissée de javelines et de dards. L’auguste captive soutint avec fermeté les reproches du vainqueur, qui, avec les égards et l’affection qu’il devait toujours à la veuve de l’apôtre, la renvoya promptement au seul lieu où elle pût se trouver convenablement placée, au tombeau de Ma-