Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 10.djvu/175

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

la vertu, soit de l’habitude, et leur orgueilleuse simplicité insultait à la vaine magnificence des rois de la terre. Lorsque Abubeker commença à remplir les fonctions de calife, il enjoignit à Ayesha, sa fille, de faire un inventaire exact de son patrimoine, afin qu’on vît s’il s’enrichirait ou s’il s’appauvrirait au service de l’état. Il se crut autorisé à demander pour son salaire trois pièces d’or, et qu’on lui entretînt convenablement un chameau et un esclave noir. Le vendredi de chaque semaine il distribuait ce qui lui restait de son bien et de l’argent du public, d’abord aux plus vertueux musulmans, et ensuite aux plus indigens. À l’époque de sa mort, un vêtement grossier et cinq pièces d’or composaient toute sa fortune ; on les remit à son successeur, qui eut la modestie de dire en soupirant, qu’il désespérait d’imiter un modèle si admirable. Toutefois l’abstinence et l’humilité d’Omar ne furent pas au-dessous des vertus d’Abubeker ; il se nourrissait de pain d’orge ou de dattes ; il ne buvait que de l’eau, il prêchait revêtu d’une robe percée en douze endroits ; et un satrape de Perse, qui vint rendre hommage au vainqueur, le trouva endormi parmi des mendians sur les marches de la mosquée de Médine. L’économie est la source de la libéralité, et l’augmentation des revenus permit à Omar d’établir des récompenses durables pour les services passés et présens. Sans s’occuper de son traitement personnel, il assigna à Abbas, l’oncle du prophète, un revenu de vingt-cinq mille drachmes ou pièces d’argent ; ce fut le plus fort de tous : on