Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 10.djvu/194

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

pouiller de ses robes de soie brodées en or, et de sa tiare chargée de rubis et d’émeraudes : « Maintenant, dit le vainqueur à son captif, reconnaissez-vous l’arrêt de Dieu et la différence des traitemens qui attendent la soumission et l’infidélité ? — Hélas ! répondit Harmozan, je le sens trop profondément. Dans les jours de notre commune ignorance, nous combattions avec des armes terrestres, et ma nation eut l’avantage. Dieu était neutre alors ; depuis qu’il a épousé votre querelle, il a renversé notre royaume et notre religion. » Fatigué de ce pénible dialogue, le Persan se plaignit d’une extrême soif, mais il parut craindre qu’on ne le tuât au moment où il boirait. « Soyez sans crainte, lui dit le calife, votre vie est en sûreté jusqu’à ce que vous ayez bu cette eau. » Le rusé satrape le remercia de cette promesse, et au même instant il brisa le vase contre terre. Omar voulait le punir de sa supercherie ; mais les musulmans lui rappelèrent la sainteté du serment, et la prompte conversion d’Harmozan à la religion de Mahomet, lui donna droit non-seulement au pardon, mais encore à un traitement de deux mille pièces d’or. Pour régler l’administration de la Perse, on fit le dénombrement du peuple, des têtes de bétail et des fruits de la terre[1] ; et si ce monument qui

  1. Après le récit de la conquête de la Perse, Théophane ajoute : αυτῳ δε τῳ χρονῳ εκελευσεν Ουμαρος αναγραφηναι πασαν την υπ’ αυτον οικο‌υμενην, εγενετο δε η αναγραφη και ανθρωπων και κτηνων και φυτων. (Chronograph., p. 283.)