Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 10.djvu/216

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mas, noble Grec, illustre dans une condition privée par son alliance avec Héraclius[1], ranimèrent son courage. Le tumulte et l’illumination de la nuit firent connaître aux assiégeans que la ville méditait une sortie au point du jour, et le héros chrétien, bien qu’il feignît de mépriser le fanatisme des Arabes, recourut de son côté aux expédiens d’une superstition du même genre. Il fit élever un grand crucifix devant la principale porte et à la vue des deux armées ; l’évêque et le clergé menèrent la procession et déposèrent le nouveau Testament aux pieds de l’image de Jésus-Christ ; et les deux partis furent, selon leur croyance, édifiés ou scandalisés par une prière adressée au fils de Dieu pour qu’il défendît ses serviteurs et la vérité de sa loi. On combattait avec fureur, et la dextérité de Thomas[2], le plus adroit des archers, avait coûté la vie aux plus braves d’entre les Sarrasins, lorsqu’une héroïne vengea enfin leur mort. La femme d’Aban, qui accompagnait son mari dans cette guerre sainte, l’embrassa ; et au

  1. La vanité fit croire aux Arabes que Thomas était gendre d’Héraclius. On connaît les enfans qu’eut Héraclius de ses deux femmes ; et son auguste fille ne s’était sûrement pas mariée pour vivre en exil à Damas (Voyez Ducange, Fam. byzant., p. 118, 119). Si Héraclius avait été moins religieux, je présumerais qu’il s’agissait d’une fille naturelle.
  2. Al-Wakidi (Ockley, p. 101) dit que Thomas lançait « des traits empoisonnés » ; mais cette invention sauvage est si contraire à la pratique des Grecs et des Romains, qu’en cette occasion je me défie beaucoup de la crédulité malveillante des Sarrasins,