Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 10.djvu/217

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moment où il expirait de ses blessures : « Heureux, heureux, lui dit-elle, cher ami, tu es allé rejoindre ton maître qui nous avait unis et qui nous a séparés. Je vengerai ta mort, et je ferai tout ce qui dépendra de moi pour me rendre au lieu que tu habites, parce que je t’aime. Désormais aucun homme ne me touchera, car je me suis consacrée au service de Dieu. » Sans pousser un gémissement, sans verser une seule larme, elle lava le corps de son époux, et l’enterra avec les cérémonies accoutumées. Après avoir rempli ce triste devoir, elle prit les armes de son époux, que dans son pays elle avait appris à manier, et son intrépide bras alla chercher le meurtrier d’Aban, qui combattait au plus épais de la mêlée. Elle perça du premier trait la main du porte-étendard de Thomas, du second elle blessa le chef à l’œil, et les chrétiens découragés ne virent plus leur drapeau ni leur général. Cependant le généreux défenseur de Damas ne voulut point se retirer dans son palais ; sa blessure fut pansée sur les remparts : le combat se prolongea jusqu’au soir, et les Syriens attendirent le jour sous les armes. Au milieu du silence de la nuit, un coup de la grande cloche donna le signal, les portes s’ouvrirent, et chacune d’elle vomit une colonne de guerriers qui fondirent impétueusement sur le camp des Sarrasins endormis. Caled s’arma le premier, vola au poste du danger à la tête de quatre cents chevaux, et des larmes coulèrent sur les joues de cet homme insensible au moment où il s’écria : « Dieu, qui ne dors jamais, jette