Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 10.djvu/287

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infidèles eux-mêmes ce moyen peu généreux, lui répondit Zobeir ; faites proclamer dans les rangs que quiconque apportera la tête de Grégoire, obtiendra la fille de ce préfet, et cent mille pièces d’or. » Le lieutenant du calife confia au courage et à la prudence de Zobeir la conduite d’un stratagème que lui-même avait proposé, expédient qui fixa enfin du côté des Sarrasins la victoire si long-temps indécise. Les musulmans, suppléant par l’activité et l’artifice au défaut du nombre, une partie de l’armée se tint cachée dans les tentes, tandis que l’autre occupa l’ennemi d’une escarmouche irrégulière, jusqu’au moment où le soleil arriva au point le plus élevé du ciel. Les soldats des deux partis s’étaient retirés accablés de fatigue, les chevaux étaient débridés, les armures dépouillées, et les deux armées semblaient ne songer qu’à jouir de la fraîcheur de la soirée, et attendre le lendemain pour recommencer le combat. Tout à coup Zobeir fait sonner la charge ; le camp des Arabes verse un torrent d’intrépides guerriers, et la longue ligne des Grecs et des Africains est surprise, attaquée et renversée par de nouveaux escadrons de fidèles, qui aux yeux du fanatisme se montrèrent sans doute comme une armée d’anges descendus des cieux. Le préfet périt par la main de Zobeir ; sa fille, qui cherchait la vengeance et la mort, tomba au pouvoir de l’ennemi ; les Grecs, en s’enfuyant, enveloppèrent dans leur désastre la ville de Sufetula, où ils cherchèrent un refuge contre les sabres et les lances des Arabes. Sufetula était située à cent cinquante milles au sud