Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 10.djvu/316

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

la Castille, il parut bientôt sous les murs de Tolède[1]. Les plus zélés d’entre les catholiques avaient pris la fuite avec les reliques de leurs saints, et les portes ne furent fermées que jusqu’au moment où le vainqueur eut signé une capitulation honorable et avantageuse. Il laissa aux habitans la liberté de se retirer avec leurs effets ; il accorda sept églises aux chrétiens ; il permit à l’archevêque et à son clergé d’exercer leurs fonctions, et aux moines de suivre ou d’enfreindre leur règle ; et dans toutes les affaires civiles et criminelles, les Goths et les Romains demeurèrent soumis à leurs lois et à leurs magistrats. Mais si la justice de Tarik protégea les chrétiens, la reconnaissance et la politique l’engagèrent à récompenser les Juifs, dont les secours tant secrets qu’avoués, avaient déterminé ses succès les plus importans. Persécutée par les rois et les conciles d’Espagne, qui lui avaient souvent proposé l’alternative de l’exil ou du baptême, cette nation rejetée du sein de la société, avait saisi cette occasion de vengeance. Le souvenir de son état passé comparé à son état présent était un gage certain de sa fidélité ; et en effet l’alliance des disciples de Moïse et de ceux de Mahomet s’est maintenue jusqu’à l’époque où l’Espagne

  1. Nonnius (Hispania, c. 59, p. 181-186) décrit en peu de mots les antiquités de Tolède, qui était urbs parva durant les guerres puniques, et urbs regia au sixième siècle. Il emprunte de Roderic le fatale palatium des portraits maures ; mais il insinue modestement que ce n’était autre chose qu’un amphithéâtre romain.