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à revenir sur ses pas ; et il fut bientôt rappelé à Tolède pour s’y justifier d’avoir osé subjuguer un royaume en l’absence de son général. L’Espagne, qui, alors plus sauvage et moins régulièrement défendue, avait résisté deux siècles aux armes des Romains, fut vaincue en peu de mois par les Sarrasins ; et tel était l’empressement des peuples à se soumettre et à traiter avec l’ennemi, qu’on cite le gouverneur de Cordoue comme le seul chef tombé sans condition en son pouvoir. La bataille de Xérès avait irrévocablement décidé de la destinée des Goths ; et dans l’épouvante générale, chaque partie de la monarchie crut devoir éviter une lutte où avaient succombé les forces réunies de toute la nation[1]. La famine et la peste vinrent l’une après l’autre achever d’épuiser le reste de ses forces ; et les gouverneurs impatiens de se rendre, purent exagérer les difficultés qu’ils éprouvaient à rassembler les munitions nécessaires pour soutenir un siége. Les terreurs de la superstition aidèrent aussi à désarmer les chrétiens : l’adroit Arabe eut soin d’encourager des bruits de songes, de présages, de prophéties favorables à sa cause, ainsi que celui qui se répandit qu’on avait découvert dans un des appartemens du palais les

  1. Tel fut l’argument du traître Oppas ; et les chefs auxquels il s’adressa ne répondirent point avec le courage de Pélage : Omnis Hispania dudum sub uno regimine Gothorum, omnis exercitus Hispaniæ in uno congregatus Ismælitarum non valuit sustinere impetum. (Chron. Alphonsi regis, apud Pagi, t. III, p. 177.)