Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 10.djvu/321

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et le château des Martyrs attestera aux générations futures la perte des musulmans. La famine et le désespoir triomphèrent à la fin de la constance des assiégés ; et dans la capitulation, l’habile vainqueur attribua à l’estime et à la clémence ce que lui fit accorder l’impatience qu’il éprouvait de jouir de sa victoire. On donna aux habitans le choix de l’exil ou du tribut ; les deux religions se partagèrent les églises, et on confisqua au profit des musulmans la fortune de ceux qui avaient péri durant le siége ou qui se retirèrent dans la Galice. Tarik vint saluer Musa entre Mérida et Tolède, et le conduisit au palais des rois goths. Leur première entrevue fut froide et cérémonieuse : le lieutenant du calife exigea un compte rigoureux des trésors de l’Espagne ; Tarik vit sa réputation exposée au soupçon et à la diffamation ; ce héros fut emprisonné, insulté et fustigé ignominieusement par la main ou par l’ordre de Musa. Au reste, les premiers musulmans observaient une discipline si sévère, leur zèle était si pur ou leur courage si soumis, qu’après cet outrage public on ne craignit pas de charger Tarik de la réduction de la province de Tarragone. La libéralité des Koreishites éleva une mosquée à Saragosse ; le port de Barcelone fut rouvert aux navires de la Syrie ; et les Arabes poursuivirent les Goths au-delà des Pyrénées, dans la province de Septimanie (le Languedoc) dont ils étaient en possession[1]. Musa trouva à Carcas-

  1. Les deux interprètes de Novairi, de Guignes (Hist.