Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 10.djvu/327

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le ressentiment du calife ; mais il craignait une famille puissante et outragée, et dans sa frayeur il résolut de l’anéantir. L’arrêt de mort fut envoyé secrètement et promptement en Afrique et en Espagne à de fidèles serviteurs du trône ; et s’il fut juste, sa sanglante exécution viola du moins les formes de l’équité. Abdelaziz tomba dans la mosquée ou le palais de Cordoue sous le glaive des conspirateurs ; ses assassins lui reprochèrent d’avoir formé des prétentions aux honneurs de la royauté, ainsi que le scandale de son mariage avec Egilona, veuve de Roderic, qui blessait également les préjugés des chrétiens et des musulmans. Par un raffinement de cruauté, on présenta sa tête à son père, à qui on demanda s’il connaissait les traits du rebelle ? « Oui, s’écria-t-il avec indignation, je connais ses traits ; je soutiens qu’il fut innocent, et j’appelle sur la tête de ses meurtriers une destinée semblable, mais plus juste. » Le désespoir et la vieillesse de Musa le mirent bientôt hors de l’atteinte des rois, et il mourut de douleur peu de temps après son arrivée à la Mecque. Tarik son rival fut plus favorablement traité ; on lui pardonna ses services et on lui permit de se mêler à la foule des esclaves[1]. J’ignore si le comte Julien reçut

  1. Je regrette beaucoup deux ouvrages arabes du huitième siècle, une Vie de Musa et un Poëme sur les exploits de Tarik, maintenant perdus, ou du moins dont je n’ai pas eu connaissance. Le premier de ces ouvrages, tous deux authentiques, avait été composé par un des petits-fils de Musa ayant échappé au massacre de sa famille ; et le second par