Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 10.djvu/405

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l’astronomie, la physique et la médecine, ne paraissent pas avoir traduit un seul poète, un seul orateur, ou même un seul historien[1]. La mythologie d’Homère aurait révolté la sévérité de leur fanatisme ; ils gouvernaient dans une paresseuse ignorance les colonies des Macédoniens et les provinces de Carthage et de Rome : on ne se souvenait plus des héros de Plutarque et de Tite-Live, et l’histoire du monde, avant Mahomet, était réduite à une courte légende sur les patriarches, les prophètes et les rois de la Perse. Les auteurs grecs et latins qui remplissent notre éducation ont peut-être pu nous inspirer un goût trop exclusif : je ne me presse pas de condamner la littérature et le jugement des nations dont j’ignore la langue. Je sais toutefois que les auteurs classiques peuvent enseigner beaucoup de choses, et je crois que les Orientaux en ont beaucoup à apprendre ; ils manquent en particulier d’une sorte de dignité tempérée dans le style, de nos belles proportions de l’art, des formes de la beauté visible et intellectuelle, du talent de tracer avec justesse les caractères et les passions, d’embellir un récit ou un argument, et de dresser d’une manière régulière la fabrique de l’épo-

  1. Abulpharage (Dynast., p. 26-148) cite une version syriaque des deux poëmes d’Homère, par Théophile, maronite chrétien du mont Liban, qui professait l’astronomie à Roha ou Édesse vers la fin du huitième siècle : son ouvrage serait une curiosité littéraire. J’ai lu quelque part, mais sans le croire, que les Vies de Plutarque furent traduites en langue turque pour Mahomet II.