Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 10.djvu/410

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Tu n’entendras pas ma réponse, tu la verras. » Il l’écrivit en caractères de sang et de feu dans les plaines de la Phrygie ; et pour arrêter la célérité guerrière des Arabes, les Grecs furent contraints de recourir à la dissimulation et à une apparence de repentir. Le calife victorieux se retira, après les fatigues de la campagne, à Racca sur l’Euphrate[1], celui de ses palais qu’il aimait le plus. Mais ses ennemis le voyant à cinq cents milles, encouragés d’ailleurs par l’inclémence de la saison, se hasardèrent à violer la paix. Ils furent étonnés de la hardiesse et de la rapidité du calife, qui, au milieu de l’hiver, repassa les neiges du mont Taurus ; Nicéphore avait épuisé ses stratagèmes de négociation et de guerre, et ce Grec perfide ne sortit qu’avec trois blessures d’une bataille qui coûta la vie à quarante mille de ses sujets. Cependant il s’indigna encore une fois de la soumission, et le calife se montra également décidé à la victoire. Haroun avait à sa solde cent trente-cinq mille soldats de troupes régulières ; et plus de trois cent mille personnes de toutes sortes entrèrent en campagne sous le drapeau noir des Abbassides. Cette armée balaya l’Asie Mineure jusque par-delà

  1. Sur la situation de Racca, l’ancien Nicéphorium, voyez d’Anville (l’Euphrate et le Tigre, p. 24-27). Dans les Nuits arabes, Haroun-al-Rashid est représenté comme ne sortant presque jamais de Bagdad. Il respectait la résidence royale des Abbassides ; mais les vices des habitans l’avaient chassé de la ville (Abulféda, Annal., p. 167.)