Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 10.djvu/45

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les dons du ciel les plus chers et les plus précieux. La vie d’un homme[1] a paru l’offrande la plus précieuse à faire pour écarter une calamité publique, et le sang humain a souillé les autels de la Phénicie et de l’Égypte, de Rome et de Carthage : cette cruelle coutume s’est long-temps maintenue parmi les Arabes : dans le troisième siècle, la tribu des dumatiens sacrifiait tous les ans un jeune garçon[2], et un roi captif fut religieusement égorgé par le prince des Sarrasins, qui servait sous les drapeaux de l’empereur Justinien son allié[3]. Un père traînant son fils au pied des autels, présente le plus sublime et le plus pénible effort du fanatisme. L’exemple des saints et des héros a sanctifié l’acte ou l’inten-

  1. Le savant sir John Marsham (Canon. chron., p. 76-78, 301-304) discute avec exactitude les deux horribles sujets de Ανδροθυσια et de παιδοθυσια. Sanchoniaton tire de l’exemple de Chronus l’origine des sacrifices phéniciens ; mais nous ignorons si Chronus vivait avant ou après Abraham, ou même s’il a jamais existé.
  2. Κατ’ ετος εκαστον παιδα εθυον ; tel est le reproche de Porphyre ; mais il impute aussi aux Romains cette coutume barbare, qui avait été définitivement abolie, A. U. C. 657. Ptolémée (Tabul., p. 37 ; Arabia, p. 9-29) et Abulféda (p. 57) font mention de Dumætha, Daumat-al-Gendal ; et les Cartes de d’Anville placent ce lieu au milieu du désert, entre Chaibar et Tadmor.
  3. Procope (De bell. pers., l. I, c. 28), Evagrius (l. VI, c. 21) et Pococke (Specimen, p. 72-86) attestent les sacrifices humains des Arabes du sixième siècle. Le danger et la délivrance d’Abdallah sont une tradition plutôt qu’un fait constant (Gagnier, Vie de Mahomet, t. I, p. 82-84).