Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 10.djvu/519

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tionnées autrefois depuis l’embouchure de l’Elbe jusqu’à celle du Tibre, ne remplissaient plus les ennemis de terreur et les sujets de confiance : au commencement du dixième siècle, la famille de Charlemagne avait presque disparu ; des états ennemis et indépendans s’étaient formés sur les ruines de sa monarchie ; les chefs les plus ambitieux prenaient le titre de roi : au-dessous d’eux l’anarchie et la discorde également répandues dans tous les rangs reproduisaient partout l’exemple de leur révolte ; et les nobles de toutes les provinces désobéissaient à leur souverain, accablaient leurs vassaux, et se tenaient dans un état de guerre perpétuel contre leurs égaux et leurs voisins. Ces guerres privées, qui bouleversaient la machine du gouvernement, maintenaient l’esprit martial de la nation. Dans le système actuel de l’Europe, cinq ou six grands potentats jouissent, au moins dans le fait, de la puissance du glaive. Une classe d’hommes qui se dévouent à la théorie et à la pratique de l’art militaire, exécutent sur une frontière lointaine les opérations imaginées dans le secret des cours ; le reste du pays jouit alors, au milieu de la guerre, de la tranquillité de la paix, et ne s’aperçoit des changemens qui surviennent à cet égard que par l’accroissement ou la diminution des impôts. Dans les désordres du dixième et du onzième siècles, chaque paysan était soldat, et chaque village était fortifié ; tous les bois et toutes les vallées offraient des scènes de meurtre et de rapine, et les propriétaires de tous les châteaux se