Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 11.djvu/150

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condé dans l’invasion de la Sicile par le zèle et la politique de son frère Guiscard. Après la retraite des Grecs, les idolâtres, tel était le nom que les catholiques osaient donner aux Sarrasins, avaient réparé leurs pertes et étaient rentrés dans leurs possessions ; mais une petite troupe d’aventuriers opéra la délivrance de la Sicile, vainement entreprise par les forces de l’empire d’Orient[1]. Lors de sa première tentative, Roger brava sur un canot découvert les dangers réels et les dangers fabuleux de Charybde et de Scylla, débarqua avec soixante soldats sur une côte ennemie, poussa les musulmans jusqu’aux portes de Messine, et retourna sain et sauf en Italie, chargé des dépouilles de la contrée environnante. Il déploya l’activité et la patience de son courage dans la forteresse de Trani. Parvenu à un âge avancé, il racontait avec plaisir que, durant le cours du siége, lui et la comtesse sa femme furent réduits à un manteau qu’ils portaient alternativement ; que son cheval ayant été tué, les Sarrasins l’entraînaient ; mais qu’il se dégagea par la force de son épée, et rapporta sur son dos la selle de son coursier, afin de ne pas laisser le moindre trophée entre les mains des infidèles. Au siége de Trani,

  1. Duo sibi proficua deputans animæ scilicet et corporis si terram idolis deditam ad cultum divinum revocaret (Geoffroy Malaterra, l. II, c. 1). Il raconte la conquête de la Sicile dans ses trois derniers livres, et il a donné lui-même un sommaire exact des chapitres (p. 544-546).