Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 11.djvu/245

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rassemblèrent leurs troupes ; Malek-Shah[1], en triomphant d’eux tous, établit à la fois sa réputation et le droit de primogéniture. Dans tous les temps la soif de l’autorité a inspiré les mêmes passions et occasionné les mêmes désordres, principalement en Asie ; mais au milieu de tant de guerres civiles, il serait difficile de trouver rien d’aussi pur et d’aussi magnanime que le sentiment exprimé dans un mot du prince turc. La veille de la bataille, il priait à Thous, devant le tombeau d’un iman appelé Riza : lorsqu’il se fut relevé, il demanda à Nizam, son visir, qui s’était mis à genoux derrière lui, quel avait été l’objet de sa prière. Le ministre répondit prudemment, et selon toute apparence avec sincérité : « J’ai demandé que la victoire accompagnât vos armes. — Pour moi, répliqua le généreux Malek, j’ai prié le Dieu des armées de m’ôter la vie et la couronne, si mon frère est plus digne que moi de régner sur les musulmans. » Le ciel jugea en sa faveur ; le calife ratifia ce jugement, et communiqua pour la première fois à un Barbare, le titre sacré de commandeur des fidèles ; mais ce Barbare, par son mérite personnel et l’étendue de son empire, était

  1. La Bibliothéque orientale a donné le texte du règne de Malek (p. 542, 543, 544, 654-655), et l’Histoire générale des Huns (t. III, p. 214-224) répète les mêmes faits, avec les corrections et les supplémens qu’on y trouve pour l’ordinaire. J’avoue que sans les recherches de ces deux savans Français, il me serait impossible de me reconnaître dans le monde oriental.