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Marche de la première croisade.

Aucun des monarques de l’Europe ne marcha en personne à la première croisade. L’empereur Henri IV n’était pas disposé à obéir aux injonctions du pape. Philippe Ier, roi de France, s’occupait de ses plaisirs, et Guillaume le Roux, roi d’Angleterre, d’une conquête récente. Les rois d’Espagne faisaient dans l’intérieur de leur pays la guerre aux Maures ; les souverains septentrionaux de l’Écosse et du Danemarck[1], de la Suède et de la Pologne, ne prenaient point encore de part aux intérêts et aux passions des peuples du midi. Le zèle religieux se fit plus efficacement sentir aux princes du second ordre, qui tenaient une place importante dans le système féodal. Leur situation les réunit naturellement sous quatre chefs principaux ; mais dans la peinture naturelle de leur caractère, je puis m’éviter des répétitions inutiles, en observant ici que le courage et l’habitude des armes étaient les attributs généraux de tous les aventuriers chrétiens. [1o. Godefroi de Bouillon.]1oGodefroi de Bouillon méritait le premier rang à la guerre et dans les conseils, et il eût été heureux pour les croisés qu’ils eussent chargé seul de leur conduite un héros accompli, digne de représenter Charlemagne, dont il descendait par les femmes. Son père était de la noble

  1. L’auteur de l’Esprit des Croisades a révoqué en doute et aurait pu rejeter tout-à-fait la croisade et la mort tragique du prince Suénon et de ses quinze cents ou quinze mille Danois, massacrés en Cappadoce par le sultan Soliman. Le poëme du Tasse (t. IV, p. 111-115) a perpétué sa mémoire.