Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 11.djvu/321

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côte d’Italie pour traverser la mer Adriatique. Bohémond était pourvu d’armes et de vaisseaux ; il était prévoyant, soigneux de maintenir la discipline, et les provinces d’Épire et de Thessalie n’avaient pas encore oublié son nom ; ses talens militaires et la valeur de Tancrède aplanirent tous les obstacles. Le prince normand affecta de ménager les Grecs, mais il permit à ses soldats de piller le château d’un hérétique[1]. Les nobles de France pressèrent leur marche avec cette ardeur aveugle et présomptueuse qu’on a reprochée souvent à leur nation. Depuis les Alpes jusqu’à la Pouille, la marche de Hugues-le-Grand, des deux Robert et d’Étienne de Chartres, à travers un pays florissant et au milieu des acclamations des catholiques, fut une espèce de procession triomphale. Ils baisèrent les pieds du pontife romain, et le frère du roi[2] de France reçut des mains du pape l’étendard doré de saint Pierre ; mais dans cette visite de dévotion et de plaisir, ils négligèrent la

  1. In Pelagoniâ castrum hæreticum… Spoliatum cum suis habitatoribus igne combussere. Nec id eis injuria contigit : quia illorum detestabilis sermo et cancer serpebat jamque circumjacentes regiones suo pravo dogmate fædaverat (Robert Mon., p. 36, 37). Après avoir froidement raconté le fait, l’archevêque Baldric ajoute comme un éloge : Omnes, siquidem illi viatores, Judæos, hæreticos, Saracenos æqualiter habent exosos ; quos omnes appellant inimicos Dei (p. 92).
  2. Αναλαβομενος αϖο Ρωμης την χρυσην το‌υ ’Αγιο‌υ Πετρο‌υ ςημαιαν (Alexiad., l. X, p. 288).