Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 11.djvu/348

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attiraient sur les côtes de la Syrie. Les provisions étaient peu abondantes, les retours incertains, et la communication difficile et dangereuse. Par indolence ou par faiblesse, les chrétiens avaient négligé d’investir totalement la ville, et la liberté de deux portes fournissait continuellement à la garnison des subsistances et des recrues. En sept mois de siége, les croisés virent presque toute leur cavalerie détruite, et perdirent une quantité énorme de soldats par la fatigue, la famine et la désertion, sans obtenir d’avantages considérables. Leur succès aurait peut-être été long-temps douteux, si l’artificieux et ambitieux Bohémond, l’Ulysse des Latins, n’avait pas employé les armes de la ruse et de la trahison. Antioche renfermait un grand nombre de chrétiens mécontens. Phirouz, renégat syrien, jouissait de la faveur de l’émir et du commandement de trois tours : le mérite de son repentir déguisa peut-être aux Latins et à lui-même la bassesse de sa perfidie. Un intérêt mutuel établit une correspondance secrète entre Phirouz et le prince de Tarente, et Bohémond déclara aux chefs assemblés dans le conseil, qu’il était le maître de leur livrer la ville ; mais il leur demanda la souveraineté d’Antioche pour prix de ce service, et leur détresse les força d’acquiescer à cette proposition que leur avait fait d’abord rejeter la jalousie. Les princes français et normands exécutèrent cette surprise en montant en personne sur les échelles de corde, qu’on leur jeta du haut des murs. Leur nouveau prosélyte, les mains encore teintes du sang de