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sa véracité et sa vie au jugement de Dieu. On éleva au milieu du camp une pile de fagots secs, de quatre pieds de hauteur et de quatorze en longueur ; la violence des flammes montait à trente coudées, et le prêtre de Marseille fut obligé de traverser un sentier étroit, d’environ un pied, qu’on avait pratiqué dans cette fournaise. Malgré son adresse et son agilité, le malheureux eut le ventre et les cuisses grillés ; il expira dans les vingt-quatre heures, et les protestations, qu’il fit en mourant, de son innocence et de sa véracité, seront peut-être de quelque poids pour les esprits disposés à croire. Les Provençaux essayèrent en vain de substituer une croix, un anneau ou un tabernacle à la sainte lance, dont le souvenir n’excitait plus que le mépris[1]. Cependant les historiens des siècles suivans attestent gravement la révélation d’Antioche ; et telle est la marche de la crédulité, que les miracles qui ont paru suspects au temps et au lieu de leur naissance, sont reçus avec une foi implicite à une certaine distance de l’un et de l’autre.

Situation des Turcs et des califes d’Égypte.

La prudence ou le bonheur des Francs avait différé leur expédition jusqu’au déclin de l’empire

  1. Les deux antagonistes qui annoncent une connaissance plus intime et une conviction plus forte du miracle et de la fraude sont Raimond des Agiles et Radulphe de Caen, l’un attaché au comte de Toulouse, et l’autre au prince normand. Foulcher de Chartres ose dire : Audite fraudem et non fraudem ! et ensuite, invenit lanceam, fallaciter occultatam forsitan : le reste du troupeau crie fort et ferme en faveur du miracle.