Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 11.djvu/366

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sité de leurs efforts les rendit maîtres de la première barrière, mais ils furent repoussés avec perte jusque dans leur camp. Le trop fréquent abus des stratagèmes pieux avait détruit l’influence des visions et des prophéties, et on trouva que la valeur, les travaux et la persévérance étaient les seuls moyens d’arriver à la victoire. Le siége ne dura que quarante jours, mais ce furent quarante jours de misère et de calamités. On peut attribuer à l’appétit vorace et imprévoyant des Latins les plaintes de disette continuellement renouvelées ; mais le sol pierreux de Jérusalem ne fournit presque pas d’eau ; les chaleurs de l’été avaient tari les faibles sources et desséché les torrens ; et les assiégeans ne pouvaient pas y suppléer, comme on le faisait dans la ville, par des aquéducs et des citernes. Le pays d’alentour manque également d’arbres pour mettre à couvert du soleil ou construire des bâtimens ; mais les croisés découvrirent, dans une caverne, quelques pièces de bois d’une très-forte dimension. On coupa près de Sichem un bois (le bocage enchanté du Tasse)[1]. Tancrède, par son courage et son habileté, sut faire transporter au camp les matériaux nécessaires ; et des artistes génois, qui se trouvaient heureusement dans le port de Jaffa, construisirent des machines pour le service du siége. Le duc de Lorraine et le comte de Toulouse firent

  1. Gerusalemme liberata, canto XII. Il est intéressant d’observer avec quel soin le Tasse a conservé et embelli les moindres détails de ce siége.