Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 11.djvu/367

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

élever, à leurs frais et dans leurs quartiers, deux tours roulantes que l’on conduisit avec de pieuses fatigues, non pas aux endroits les plus accessibles des fortifications, mais vers ceux qui étaient les plus négligés. La tour de Raimond fut réduite en cendres par le feu des assiégés ; mais son collègue, plus vigilant, fut aussi plus heureux ; ses archers chassèrent l’ennemi des remparts ; les Latins baissèrent le pont-levis, et un vendredi, à trois heures après-midi, le jour et l’heure de la Passion, Godefroi de Bouillon parut en vainqueur sur les murs de Jérusalem. De tous côtés, les croisés, animés par sa valeur, imitèrent son exemple ; et environ quatre cent soixante ans après la conquête d’Omar, les chrétiens délivrèrent la sainte cité du joug des mahométans. Les assiégeans étaient convenus que, dans le pillage de la ville et des richesses des particuliers, ils respecteraient la possession du premier occupant ; et les dépouilles de la grande mosquée, soixante-dix lampes et un grand nombre de vases d’or et d’argent récompensèrent l’activité de Tancrède et firent briller sa générosité. Les serviteurs du Dieu des chrétiens crurent, dans leur aveuglement, devoir l’honorer par de sanglans sacrifices. Leur implacable fureur, irritée par la résistance, ne se laissa désarmer ni par la faiblesse du sexe ni par celle de l’âge. Le massacre dura trois jours[1], et l’infection des cadavres produisit une

  1. Outre les Latins, qui ne rougissent point de ce massacre, voyez Elmacin (Hist. Sarac., p. 363), Abulpharage