Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 11.djvu/39

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chaque chrétien a appris à ne reconnaître d’autre loi que l’Écriture, et d’autre interprète que sa conscience. La liberté cependant a été la suite plutôt que le but de la réforme. Nos patriotes réformateurs voulaient succéder aux tyrans qu’ils avaient détrônés : ils exigeaient aussi impérieusement qu’on se soumît à leurs symboles ; ils affirmaient le droit qu’avaient les magistrats de punir de mort les hérétiques. Calvin, entraîné par le fanatisme ou le ressentiment, punit dans Servet[1] ce crime de rebellion dont il était coupable lui-même[2] ; et Crammer avait allumé, pour les anabaptistes, ces flammes de

  1. L’article Servet du Dictionnaire critique de Chauffepié est ce que j’ai trouvé de mieux sur cette honteuse condamnation. Voyez aussi l’abbé d’Artigny, nouveaux Mémoires d’Histoire, etc., t. II, p. 55-154.
  2. Je suis plus révolté du supplice de Servet que des autodafés de l’Espagne et du Portugal. 1o. Le zèle de Calvin semble avoir été envenimé par la malveillance et peut-être par la jalousie. Il accusa son adversaire devant les juges de Vienne, leurs ennemis communs ; et, pour le perdre, il eut la bassesse de violer le dépôt sacré d’une correspondance particulière. 2o. Cet acte de cruauté ne fut pas même coloré du prétexte d’un danger pour l’Église ou pour l’état. Lorsque Servet passa à Genève, il y mena une vie tranquille ; il ne prêcha point, il ne publia aucun livre, il ne fit point de prosélytes. 3o. Un inquisiteur catholique se soumet du moins au joug qu’il impose ; mais Calvin viola cette belle maxime, de faire aux autres ce qu’on veut qu’ils nous fassent ; maxime que je trouve dans un Traité moral d’Isocrate (in Nicocle, t. I, p. 93, édit. Battie), quatre siècles avant la publication