Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 11.djvu/41

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l’esprit d’indépendance et de modération. La liberté de conscience a été réclamée comme un bien qui appartient à tous les hommes, comme un droit inaliénable[1] : les gouvernemens libres de la Hollande[2] et de l’Angleterre[3] ont introduit la pratique de la tolérance, et les concessions trop bornées de la loi ont reçu, de la prudence et de l’humanité du siècle, une extension considérable. L’esprit de l’homme a recouvré par l’exercice l’étendue naturelle de ses facultés, et sa raison ne se contente plus de ces paroles et de ces chimères faites pour amuser les enfans. La poussière couvre les ouvrages de controverse : la doctrine d’une Église réformée se trouve loin des lumières et de la croyance de ceux qui en font partie ; et c’est avec un sourire ou un soupir que le clergé moderne souscrit aux formes

  1. Je suis fâché d’observer que les trois philosophes du dernier siècle, Bayle, Leibnitz et Locke, qui ont défendu si noblement les droits de la tolérance, étaient des laïques et des philosophes.
  2. Voyez l’excellent chapitre de sir William Temple, sur la religion des Provinces-Unies. J’en veux à Grotius (De rebus belgicis, Annal., l. I, p. 13-14, édit. in-12) de ce qu’il approuve les lois impériales relatives à la persécution, et ne condamne que le tribunal sanguinaire de l’Inquisition.
  3. Sir William Blackstone (Commentaries, vol. IV, p. 53-54) explique la loi d’Angleterre, telle qu’elle a été établie lors de la révolution. En exceptant les papistes et ceux qui nient la Trinité, elle laisserait une assez grande latitude à la persécution, si l’esprit national n’était plus fort que cent actes du parlement.