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pays. On leur creva les yeux ; mais sur chaque centaine de captifs qu’on rendit aveugles, on laissa un œil à l’un d’entre eux, afin qu’il pût conduire les autres aux pieds de leur monarque. On dit que le roi des Bulgares expira de saisissement et de douleur : ce terrible exemple épouvanta ses sujets ; on les chassa de leur établissement, et on les resserra dans un canton peu étendu. Ceux des chefs qui survécurent à ce désastre recommandèrent à leurs enfans la patience et la vengeance.

Migration des Turcs et des Hongrois. A. D. 884.

II. Lorsque le noir essaim des Hongrois se montra pour la première fois prêt à tomber sur l’Europe, environ neuf siècles après l’ère du christianisme, les nations troublées par la frayeur et la superstition, les prirent pour le gog et le magog de l’Écriture, pour des signes et des avant-coureurs de la fin du monde[1]. Depuis que la littérature s’est introduite parmi eux, ils ont recherché les anciens monumens de leur histoire avec une ardeur de curiosité patriotique qui mérite des éloges[2]. Ils ont reçu

  1. Un évêque de Wurtzbourg soumit cette opinion au jugement d’un révérend abbé. Celui-ci décida gravement que gog ou magog étaient les persécuteurs spirituels de l’Église, parce que gog signifie le faîte, l’orgueil des hérésiarques ; et magog, ce qui vient du faîte, c’est-à-dire la propagation de leur secte. Voilà pourtant les hommes qui ont commandé le respect du genre humain ! (Fleury, Hist. eccles., t. XI, p. 594, etc.)
  2. Les deux auteurs hongrois de qui j’ai tiré le plus de secours sont George Pray (Dissertationes ad annales veterum