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destruction d’un peuple chrétien. Mais ils furent bientôt troublés dans cette occupation par la cavalerie légère des Comans, qui vint audacieusement escarmoucher presque sur le nord de leurs lignes en désordre. Le maréchal fit publier une proclamation qui avertissait la cavalerie de se trouver prête, au premier son de la trompette, à monter à cheval et à se former en bataille ; et défendait, sous peine de mort, qu’aucun se détachât à la poursuite de l’ennemi. Le comte de Blois désobéit le premier à cette sage proclamation, et son imprudence entraîna la perte de l’empereur. Les Comans, à la manière des Parthes ou des Tartares, prirent la fuite dès la première charge. Mais après une course de deux lieues, ils firent volte-face, se rallièrent et enveloppèrent les pesans escadrons français au moment où les chevaliers et leurs chevaux, également essoufflés, étaient presque hors d’état de se défendre. Le comte fut tué sur le champ de bataille, l’empereur fut fait prisonnier ; et si ce fut pour avoir, l’un dédaigné de fuir, l’autre refusé de céder, leur valeur personnelle compensa faiblement l’ignorance ou la négligence qu’ils montrèrent (les devoirs imposés à un général[1].

Défaite et captivité de Beaudoin. A. D. 1205. 15 avril.

Fier de la victoire et de son illustre captif, le Bulgare s’avança pour secourir Andrinople et achever

  1. Nicétas, par haine ou par ignorance, impute la défaite à la lâcheté de Dandolo (p. 383) ; mais Villehardouin partage sa propre gloire avec son vénérable ami, qui viels home ère et gote ne veoit, mais mult ere sages et preus et vigueros (no 193).