Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 12.djvu/245

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et les Turcs à consommer la ruine commune des deux partis. Le régent déplorait les calamités dont il était l’auteur et la victime ; et sa propre expérience a pu lui dicter la juste et piquante observation qu’il fait sur la différence qui existe entre les guerres civiles et les guerres étrangères. « Les dernières, dit-il, ressemblent aux chaleurs extérieures de l’été, toujours tolérables et souvent utiles ; mais les autres ne peuvent se comparer qu’à une fièvre mortelle, dont l’ardeur consume et détruit les principes de la vie »[1].

Victoire de Cantacuzène.

L’imprudence qu’ont eue les nations civilisées de mêler des peuples barbares ou sauvages dans leurs contestations, a toujours tourné à leur honte et à leur malheur ; cette ressource, favorable quelquefois à l’intérêt du moment, répugne également aux principes de l’humanité et de la raison. Il est d’usage que les deux partis s’accusent réciproquement d’avoir contracté les premiers cette indigne alliance ; et ceux qui ont échoué dans leur négociation, sont ceux qui témoignent le plus d’horreur pour un exemple qu’ils envient et qu’ils ont tâché inutilement d’imiter. Les Turcs de l’Asie étaient moins barbares peut-être que les pâtres de la Bulgarie et de la Servie ; mais leur religion les rendait les plus implacables ennemis de Rome et des chrétiens. Les deux factions

  1. Nicéphore Grégoras, l. XII, c. 14. Il est surprenant que Cantacuzène n’ait point inséré dans ses propres écrits cette comparaison juste et ingénieuse.