Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 12.djvu/261

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la nature prenne soin de faire croître elle-même les fertiles moissons de l’Ukraine, produits d’une culture grossière et sauvage ; et les énormes esturgeons que l’on pêche vers l’embouchure du Don ou du Tanaïs, lorsqu’ils s’arrêtent dans le riche limon et les eaux profondes des Palus-Méotides, renouvellent sans cesse une exportation inépuisable de caviar et de poisson salé[1]. Les eaux de l’Oxus, de la mer Caspienne, du Volga et du Don, ouvraient un passage pénible et hasardeux aux épiceries et aux pierres précieuses de l’Inde. Après une marche de trois mois, les caravanes de Carizme trouvaient les vaisseaux d’Italie dans les ports de la Crimée[2]. Les Génois s’emparèrent de toutes ces branches de commerce, et forcèrent les Vénitiens et les Pisans d’y renoncer. Ils tenaient les nationaux en respect par les villes et les forteresses qui s’élevaient insensiblement sur les fondemens de leurs modestes factoreries ; et les Tartares assiégèrent inutilement Caffa[3], leur princi-

  1. On assura Chardin à Caffa (Voyages en Perse, t. I, p. 48) que ces poissons avaient quelquefois jusqu’à vingt-six pieds de longueur, pesaient huit ou neuf cents livres, et donnaient trois ou quatre quintaux de caviar ou d’œufs. Du temps de Démosthènes, le Bosphore fournissait de grains la ville d’Athènes.
  2. De Guignes (Hist. des Huns, t. III, p. 343, 344 ; Voyages de Ramusio, t. I, fol. 400). Mais ce transport par terre ou par eau n’était praticable que lorsque toutes les hordes de Tartares étaient réunies sous le gouvernement d’un prince sage et puissant.
  3. Nicéphore Grégoras (l. XIII, c. 12) se montre judi-