Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 12.djvu/385

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peu orthodoxe[1]. Mais la solidité de son jugement peut faire présumer que sa vénération superstitieuse pour les astrologues, les saints de sa religion et les prophéties, n’était qu’une feinte de sa politique. Il gouverna seul et despotiquement son vaste empire. Sous son règne, on ne vit point des rebelles attenter à son autorité, des favoris séduire ses affections, ou des ministres tromper sa justice. Il tenait pour maxime invariable que, quoi qu’il en pût arriver, un prince ne doit jamais révoquer ses ordres ni souffrir qu’on les discute. Mais ses ennemis ont observé que les ordres de destruction donnés par sa colère s’exécutaient plus exactement que ceux de sa bienfaisance. Ses fils et petits-fils, qui à sa mort se trouvaient au nombre de trente-six, avaient été durant sa vie les premiers et les plus soumis de ses sujets. Lorsqu’ils s’écartaient de leur devoir, on les corrigeait conformément aux lois de Gengis, par la bastonnade, après laquelle ils reprenaient leurs honneurs et leurs commandemens. Peut-être le cœur de Timour n’était-il pas fermé aux vertus sociales, peut-être n’était-il pas incapable d’aimer ses amis et de pardonner

    un de ses sujets, et un joueur d’échecs sentira toute la valeur de cet éloge.

  1. Voyez Sherefeddin, l. V, c. 15-25. Arabshah (t. II, c. 96, p. 801-803) accuse d’impiété l’empereur et les Mongouls, qui donnent la préférence au Yacsa ou loi de Gengis (cui Deus maledicat), même sur le Koran. Il refuse de croire que l’usage et l’autorité de ce code païen aient été abolis par Sharokh.