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ils acquirent bientôt, dans l’opinion de leurs sujets, ce droit sacré et incontestable que le temps ne peut effacer et que ne peut détruire la violence. On dépose, on étrangle un sultan faible et vicieux ; mais son fils, enfant ou imbécille, succède à l’empire, et le plus audacieux rebelle n’a pas encore osé s’asseoir sur le trône de son souverain[1]. Tandis que des visirs perfides ou des généraux victorieux renversaient les dynasties chancelantes de l’Asie, la succession ottomane, confirmée par une possession de cinq siècles, fait partie des principes auxquels est attachée l’existence de la nation turque,

Éducation et discipline des Turcs.

Cette nation doit en grande partie sa vigueur et sa Constitution à une influence assez extraordinaire. Les premiers sujets d’Othman consistaient dans ces quatre cents familles errantes de Turcomans, qui avaient suivi ses ancêtres de l’Oxus au Sangarius, et les plaines de l’Anatolie sont encore couvertes de leurs compatriotes habitant les champs dans des tentes blanches ou noires ; mais ce petit nombre se

  1. Le troisième grand visir du nom de Kiuperli, qui fut tué à la bataille de Salankanen en 1691 (Cantemir, p. 382), osa dire que tous les successeurs de Soliman avaient été des imbécilles ou des tyrans, et qu’il était temps d’en éteindre la race (Marsigli, Stato militare, etc. p. 28). Cet hérétique en politique était un zélé républicain, qui justifiait la révolution d’Angleterre contre l’ambassadeur de France (Mignot, Hist. des Ottomans, t. III, p. 434) ; il ose ridiculiser la singulière exception qui rend les places et les dignités héréditaires dans les familles.