Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 12.djvu/426

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gne, après avoir réclamé avec hauteur cette distinction dans sa dernière visite et avoir éprouvé un refus positif, avait été contraint de monter un cheval noir. Manuel logea au Louvre ; les bals et les fêtes se succédèrent avec rapidité ; les Français cherchèrent, en variant ingénieusement les plaisirs de la chasse et de la table, à déployer leur magnificence aux yeux du prince étranger, et à le distraire un instant de sa douleur. On lui accorda l’usage particulier d’une chapelle, et les docteurs de Sorbonne observèrent avec surprise, et peut-être avec scandale, le langage, les cérémonies et les vêtemens du clergé grec. Mais du premier coup d’œil, il put apercevoir qu’il n’avait point de secours à espérer de la France ; l’infortuné Charles VI ne jouissait que de quelques instans lucides, et retombait sans cesse dans un état de frénésie ou de stupidité. Le duc d’Orléans, son frère, et son oncle le duc de Bourgogne, saisissaient alternativement les rênes du gouvernement ; la guerre civile fut bientôt la suite de leur désastreuse concurrence. Le premier, jeune et d’un caractère ardent, se livrait avec impétuosité à sa passion pour les femmes et pour tous les plaisirs. Le second était père de Jean, comte de Nevers, délivré récemment de sa captivité chez les Turcs. Ce jeune prince intrépide aurait volontiers couru de nouveaux hasards pour effacer sa honte ; mais son père, plus prudent, en avait assez des frais et des dangers de la première expérience. [À la cour d’Angleterre. A. D. 1400, décembre.]Lorsque Manuel eut satisfait la curiosité, et peut-être fatigué la patience des Français, il résolut de passer en An-