Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 12.djvu/451

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attesta la joie et la magnificence de cette république. Souverain du monde, le modeste Auguste n’avait jamais exigé de ses sujets les honneurs que les Vénitiens indépendans prodiguèrent à son faible successeur. Du haut d’un trône placé sur la poupe de son vaisseau, Paléologue reçut la visite, ou, pour parler à la grecque, les adorations du doge et des sénateurs[1]. Ils montaient le Bucentaure suivi de douze puissantes galères ; la mer était couverte d’innombrables gondoles destinées, les unes à la pompe du spectacle, les autres au plaisir des spectateurs ; l’air retentissait des sons de la musique et du bruit des acclamations ; les vêtemens des matelots et même les vaisseaux brillaient de soie et d’or ; et tous les emblèmes présentaient les aigles romaines unies aux lions de Saint-Marc. Ce brillant cortége remonta le grand canal et passa sous le pont de Rialto. Les Orientaux contemplaient avec admiration les palais, les églises et l’immense population d’une ville qui semblait flotter sur les vagues[2] ; mais ils soupirè-

  1. Durant la tenue du synode, Phranza était dans le Péloponnèse ; mais le despote Démétrius lui fit un récit exact de la manière honorable dont l’empereur et le patriarche furent accueillis à Venise et à Ferrare (Dux… sedentem imperatorem adorat). Les Latins en parlent plus légèrement (l. II, c. 14, 15, 16).
  2. La surprise qu’éprouvèrent le prince grec et un ambassadeur de France à la vue de Venise (Mém. de Philippe de Comines, l. VII, c. 18), prouve incontestablement qu’elle était, dans le quatorzième siècle, la première et la plus belle ville du monde chrétien. Relativement aux dé-