Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 13.djvu/107

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fascines, s’étaient avancés au bord du fossé qui en plusieurs endroits offrait un chemin uni jusqu’à la brèche, et ses quatre-vingts galères touchaient presque avec leurs proues et leurs échelles d’escalade les murs du port le moins susceptibles de défense. Le sultan ordonna le silence sous peine de mort ; mais les lois physiques du mouvement et du son ne se trouvent pas soumises à la discipline et à la crainte. Chaque individu pouvait étouffer sa voix et mesurer ses pas ; mais la marche et le travail d’une armée produisirent nécessairement des sons confus qui frappèrent l’oreille des sentinelles des tours. Au lever de l’aurore, les Turcs donnèrent l’assaut par mer et par terre, sans tirer, selon leur usage, le canon du matin, et leur ligne d’attaque serrée et continue a été comparée à une longue corde tressée ou tordue[1]. Les premiers rangs étaient composés du rebut des troupes, d’un ramas de volontaires qui se battaient sans ordre et sans discipline, de vieillards ou d’enfans, de paysans et de vagabonds, et enfin de tous ceux qui avaient joint l’armée dans l’aveugle espoir du butin ou du martyre. Une impulsion générale les porta au pied des murs ; les plus hardis à monter sur le rempart furent précipités dans le fossé ; la foule se trouvait si pressée, que chaque dard et chaque boulet des chrétiens renversait des

  1. Outre les dix mille gardes, les matelots et les soldats de marine, Ducas compte deux cent cinquante mille Turcs, cavaliers ou fantassins, comme ayant eu part à l’assaut général.