Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 13.djvu/115

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refusé ce moyen de salut, ou vous auriez trompé votre Dieu[1]. »

Captivité des Grecs.

Tandis qu’ils attendaient cet ange qui n’arrivait point, les Turcs enfoncèrent à coups de hache les portes de Sainte-Sophie : n’éprouvant point de résistance, le sang ne coula point, et ils ne s’occupèrent que du soin de choisir et de garder leurs prisonniers, La jeunesse, la beauté et l’apparence de la richesse déterminèrent leur choix, et l’antériorité de la saisie, la force personnelle et l’autorité des chefs, décidèrent alors du droit de propriété. Dans l’espace d’une heure, les captifs mâles se trouvèrent liés avec des cordes, les femmes avec leurs voiles et leurs ceintures : les sénateurs furent accouplés à leurs esclaves, les prélats aux portiers des églises, des jeunes gens de race plébéienne à de nobles vierges, cachées jusqu’alors au jour et aux regards de leurs plus proches parens. Cette captivité confondit les rangs de la société et brisa les liens de la nature ; et les gémissemens des pères, les larmes des mères, les lamentations des enfans, ne purent émouvoir les inflexibles soldats de Mahomet. Les cris les plus perçans étaient ceux des religieuses qu’on voyait arrachées des au-

  1. Cette description animée est tirée de Ducas (c. 39), qui, deux années après, se rendit auprès du sultan en qualité d’ambassadeur du prince de Lesbos (c. 44). Jusqu’à la conquête de Lesbos en 1463 (Phranza, l. III, c. 27), cette île dut être remplie de réfugiés de Constantinople, qui se plaisaient à redire et peut-être à embellir l’histoire de leur malheur.