Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 13.djvu/116

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tels le sein découvert, les bras étendus et les cheveux épars ; nous devons croire que peu d’entre elles purent préférer les grilles du sérail à celles du monastère : les rues étaient pleines de ces malheureux captifs, de ces animaux domestiques rudement conduits en longues files. Le vainqueur, pressé de retourner chercher un nouveau butin, hâtait par des menaces et des coups leur marche tremblante. Au même instant, les mêmes scènes de rapine se répétèrent dans toutes les églises et dans tous les couvens, tous les palais et toutes les habitations de la capitale ; le lieu le plus sacré ou le plus solitaire ne put défendre la personne ou la propriété des Grecs. Plus de soixante mille de ces infortunés furent traînés dans le camp et sur la flotte ; ils furent échangés ou vendus d’après le caprice ou l’intérêt de leurs maîtres, et dispersés dans les diverses provinces de l’empire ottoman. Il est bon de faire connaître ici les aventures de quelques-uns des plus remarquables. L’historien Phranza, premier chambellan et principal secrétaire de l’empereur, tomba ainsi que sa famille au pouvoir des Turcs. Après quatre mois d’esclavage il recouvra sa liberté ; l’année suivante, il se hasarda d’aller à Andrinople, et racheta sa femme qui appartenait au Mir Bashi, ou maître de la cavalerie ; mais on avait réservé pour l’usage de Mahomet ses deux enfans qui se trouvaient dans la fleur de l’âge et de la beauté. Sa fille mourut dans le sérail, peut-être vierge : son fils, âgé de quinze ans, préféra la mort à l’infamie, et fut poignardé par le sultan qui voulait attenter à