Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 13.djvu/119

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dangers de la bataille, s’approprièrent les récompenses de la valeur. Le récit de toutes ces déprédations serait aussi peu amusant qu’instructif ; on les a évaluées à quatre millions de ducats, reste de la richesse de l’empire[1]. Une petite partie de cette somme fut prise sur les Vénitiens, les Génois, les Florentins et les négocians d’Ancône. Ces étrangers augmentaient leur fortune par une continuelle et rapide circulation ; mais les Grecs consumaient la leur dans le vain luxe de leurs palais et de leur garde-robe, ou bien ils enfouissaient leurs trésors convertis en lingots et en vieille monnaie, de peur que le fisc ne les réclamât pour la défense du pays. La profanation et le pillage des églises et des monastères excitèrent les plaintes les plus douloureuses. Sainte-Sophie, le ciel terrestre, le second firmament, le véhicule des chérubins, le trône de la gloire de Dieu[2], fut dépouillée des offrandes qu’y avait portées durant des siècles la dévotion des chrétiens : l’or et l’argent, les perles et les pierreries, les vases et les ornemens qu’elle contenait, furent indignement

  1. Cette somme est indiquée dans une note marginale de Leunclavius (Chalcocondyles, l. VIII, p. 211) ; mais lorsqu’on nous dit que Venise, Gènes, Florence et Ancône, perdirent cinquante, vingt et quinze mille ducats, je soupçonne qu’il y a un chiffre d’oublié ; et dans cette supposition même, les sommes enlevées aux étrangers passeraient à peine le quart de la somme totale du butin.
  2. Voy. les éloges exaltés et les lamentations de Phranza (l. III, c. 17).