Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 13.djvu/210

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se passer ainsi ; mais l’élévation d’une famille de Juifs au rang de sénateurs et de consuls, est la seule de ce genre qu’offre la longue captivité de ces malheureux proscrits[1]. Sous le règne de Léon X, un Juif opulent et éclairé embrassa le christianisme, et fut honoré au baptême du nom de son parrain, le pape régnant. [Famille de Léon le Juif.]Pierre, son fils ayant montré du zèle et du courage dans la cause de Grégoire VII, ce pape lui donna le gouvernement du môle d’Adrien, qu’on appela ensuite la tour de Crescence, et qu’on nomme aujourd’hui le château Saint-Ange. Le père et le fils eurent beaucoup d’enfans ; leurs richesses, amassées par l’usure, passèrent dans les familles de Rome les plus anciennes ; et leurs alliances devinrent si nombreuses, qu’ils parvinrent à placer sur le trône de saint Pierre le petit-fils du converti. Il était soutenu par la majorité du clergé et du peuple ; il régna plusieurs années au Vatican sous le nom d’Anaclet, et il n’a été flétri du nom d’antipape que par l’éloquence de saint Bernard et le triomphe d’Innocent II. Après sa chute et sa mort, on ne vit plus reparaître sa famille, et aucun des nobles modernes ne voudrait descendre d’une race juive. Je n’ai pas le dessein de

  1. Pagi (Critica, t. IV, p. 435, A. D. 1124, nos 3, 4) rapporte l’origine et les aventures de cette famille juive. Il parle d’après le Chronographus Maurigniacensis, et Arnulphus Sagiensis de Schismate (in Muratori, t. III, part. I, p. 423-432). Les faits doivent être vrais à quelques égards, mais je voudrais qu’on les eût racontés froidement avant d’en faire un sujet de reproche contre l’antipape.