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avoir sauvé un empire prêt à s’écrouler, et dont la ruine, si nous ne nous hâtons de la prévenir, écrasera l’armée et le peuple. »

Les Goths envahissent l’empire. An 269.

Les diverses tribus de la Germanie et de la Sarmatie, qui combattaient sous les étendards des Goths, avaient déjà rassemblé un armement plus formidable qu’aucun de ceux que l’on eût vu jusque-là sortir du Pont-Euxin. Sur les rives du Niester, un des grands fleuves qui se jettent dans cette mer, ces Barbares construisirent une flotte de deux mille ou même de six mille voiles[1]. Ce nombre, tout incroyable qu’il paraît, n’aurait pu suffire pour transporter leur prétendue armée de trois cent vingt mille hommes. Quelle qu’ait été la force réelle des Goths, la vigueur de leurs efforts et le succès de leur expédition ne répondirent pas à la grandeur de leurs préparatifs. En traversant le Bosphore, leurs pilotes, sans expérience, furent emportés par la rapidité du courant ; et l’entassement de cette multitude de vaisseaux dans un canal étroit, causa la perte d’un assez grand nombre qui se brisèrent l’un contre l’autre, ou échouèrent sur le rivage. Les Barbares firent des descentes sur différentes côtes de l’Europe et de l’Asie ; mais le pays ouvert avait déjà été dévasté ; et lorsqu’ils se présentèrent devant des villes fortifiées, ils furent repoussés honteusement et avec perte. Un esprit de

  1. L’Histoire Auguste rapporte le plus petit nombre ; Zonare le plus grand ; l’imagination vive de M. de Montesquieu lui a fait donner la préférence à ce dernier auteur.