Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 2.djvu/266

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courte durée. Transplanté tout à coup, dans le cœur de l’hiver, des douces retraites de la Campanie au pied du mont Caucase, il ne put supporter les fatigues de la vie militaire, à laquelle il n’était pas accoutumé. Les peines du corps furent aggravées par celles de l’âme. L’enthousiasme du bien public avait suspendu pour un temps les passions que l’esprit de discorde et l’intérêt personnel avaient allumées dans le cœur des soldats. Elles reprirent bientôt leur cours avec une violence redoublée, et elles excitèrent un furieux orage dans le camp, dans la tente même du vieil empereur. Son caractère doux et aimable ne servit qu’à inspirer du mépris pour sa personne. Tourmenté sans cesse par des factions qu’il ne pouvait étouffer, et par des demandes auxquelles il lui était impossible de satisfaire, il voyait disparaître les espérances magnifiques qu’il avait conçues en prenant les rênes du gouvernement. En vain s’était-il flatté de remédier aux désordres de l’état ; il ne tarda pas à s’apercevoir que la licence de l’armée dédaignait le frein impuissant de la loi. Le chagrin, et le désespoir de réussir dans ses projets de réforme, hâtèrent ses derniers instans. On ne sait si les soldats trempèrent leurs mains dans le sang de ce vertueux prince[1]. [A. D. 276. 12 avril.]Il paraît du moins certain

    (l. I, p. 58), Florianus les poursuivit jusqu’au Bosphore Cimmérien ; mais ce prince eut à peine assez de temps pour une expédition si longue et si difficile.

  1. Eutrope et Aurelius-Victor disent simplement qu’il